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mardi 10 décembre 2013

Je te pardonne

Cher toi,

Je ne connais pas ton nom. Sans doute, si tu me croisais aujourd’hui, tu ne me reconnaitrais pas. Mais je me suis toujours demandé si tu te souvenais de ce qu'il s'était passé ce jeudi après midi. C'était l'hiver. J'avais 8 ans.


Ma mère m'avais envoyé chercher des croissants pour le goûter après l'école. J'avais passé une bonne journée et j'étais à un âge où j'aimais commencer à prendre mon indépendance. J'ai pris les sous et je suis partie.

A mon retour, j'ai sonné à l'interphone de l'immeuble. Ma mère a décroché m'a ouvert la porte et a raccroché. Puis j'ai entendu:
- Bonjour, je suis nouveau dans le quartier. J'ai besoin de quelqu'un pour m'aider à porter des cartons, tu peux m'aider?

Un voix dans ma tête me criait de dire "non" et de m'enfuir. Mais il y avait cette foutu porte d'interphone, et cet ascenseur. Je ne revois pas ton visage. Mais je revois ton blouson en cuir, ton jean, ton écharpe écossaise... Des détails que je photographiais pour te décrire. Je ne voulais pas être coincée là derrière, seule avec toi. Alors je t'ai suivi. 

Tout le long du chemin je me taisais, je regardais à gauche, à droite, je cherchais quelqu'un que je connaissais pour crier à l'aide. Je me souviens avoir regarder le marchand de journaux en me demandant si j'avais le temps d'y courir mais j'étais terrorisée. Tu as dû le voir dans mes yeux car c'est à cet instant que tu m'as demandé mon prénom. J'ai due le murmurer. Tu ne m'as pas donné le tien.

Puis tu m'as fait descendre cet escalier. Je n'avais jamais su ce qu'il y avait là. j'y ai découvert un parking et j'ai commencé à sentir le piège se refermer sur moi. Ici personne ne pourrait m'aider. Tu t'es avancé en me disant que tu cherchais ta voiture.  J'ai regardé les escaliers, je me suis dis que j'avais le temps de courir. Tu m'as dit "ça va? j'ai juste besoin de faire pipi, tu peux m'aider?". Tu as sorti ton sexe avec un naturel déconcertant et j'ai entendu mon instinct de survie hurler. Ce qu'il s'est passé après, seul toi et moi, savons. Il n'y a pas eu de  viol, mais ce fut suffisamment grave pour traumatiser une petite fille de 8 ans.

Toujours est il que nous nous étions rapprochés des escaliers, j'ai hurlé. Tu as eu peur, tu t'es écarté en regardant les escaliers. J'ai compris que je t'avais fait peur l'espace d'une seconde, j'ai couru. Je t'ai laissé là, la bite à l'air, tu n'as pas cherché à me rattraper. J'ai croisé la mère d'Aurélie en haut des escaliers qui m'a demandé si ça allait, je n'ai pas répondu. Je voulais rentrer chez moi. Je me revois dans cette pente. j'avais envie de faire pipi et je me répétais "ne pas s’arrêter, ne pas s'arrêter, ne pas s'arrêter...". J'ai sonné à l'interphone j'ai hurlé à ma mère de m'ouvrir, j'ai refermé la porte derrière moi. J'étais en sécurité.

J'espère que toi, tu liras cette lettre, par hasard, parce que j'ai des choses à te dire. Je t'ai haïe pendant longtemps de ne plus pouvoir descendre dans un parking sans crainte, d'avoir peur dans le noir complet, d'envisager l'autre avec crainte. Oui, je t'en ai voulu. Longtemps.

Un jour, on a parlé de toi à la télévision. Tu avais toujours la même façon d'enlever les femmes et les petites filles. Je sais que c'était toi. Tu proposais d'aider pour charger des  cartons. Tu as été arrêté, tu as pris 8 ans. Mon âge quoi...

Voilà. Et puis un matin, j'ai repensé à toi. Parce que je pense souvent à toi. Et je me suis dit que tu ne devais pas beaucoup t'aimer pour avoir besoin de faire mal à des petites filles. Et pour s'aimer, il fallait avoir été aimé. Il fallait avoir des parents qui vous disent que faire mal à l'autre c'est interdit et l'amour c'est bien plus fort que la haine. Moi, j'avais eu des parents qui avaient continué à me laisser sortir, à me faire confiance, et surtout qui m'avait appris à me méfier de toi et de tes frères, ce qui m'avait sauvé la vie. J'avais pu, malgré toi me construire au milieu d'une famille aimante, j'ai réussi à faire ma vie, à avoir un enfant. Et toi? Toi, quel a été ta vie? Misérable, détesté de tous? Mis au banc de la société? Sans doute parce qu'au départ toi, tu n'as pas eu ma chance: tu n'as pas été aimé.

Alors, moi, je te pardonne. Parce que grâce aux miens je suis passé à autre chose. Je me suis construite. Parce que grâce à ce pardon, je suis passé à autre chose. Parce que j'espère que tu as trouvé l'amour, la paix et que plus jamais une petite fille ne souffrira entre tes mains. J'espère qu'un jour tu trouveras la quiétude. Si ça arrive, je ne serais plus enchainée à ce souvenir.







18 commentaires:

  1. Je n'ai pas de mots .... Je suis tellement touchée et puis .. je sais, je comprends aussi malheureusement ... et comme toi, je me suis tue
    Tu pardonnes, tu comprends c'est bien mais les images, elles, restent

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    1. Je pardonnes parce que je ne me suis jamais tue. Je crois que c'est ce qui m'a sauvé Barbidou. On a porté plainte tout de suite, et surtout on m'a dit que j'avais fait exactement ce qu'il fallait faire qu mon analyse avait été la bonne. Et c'est parce que j'ai pardonné que les images s'effacent peu à peu. Mais parce que j'ai été prise en charge tout de suite, c'est essentiel!!

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  2. quand je lis ça je pense instantanément à ma fille ...
    et à ce que tu as du endurer ...

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    1. Il ne faut pas penser à moi. Mais à comment aider ta fille. Fais comme mes parents. Fais lui confiance et écoute là sans forcer sa parole...

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    1. Rien. j'espère juste que les gens refléchiront avant de prendre des positions radicales dans des faits divers similaires. En pensant que pour laisser la chance à la victime de pardonné, il faut que l'autre soit vivant.

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  4. Tu as réussi à pardonner. Quel chemin, quel courage. Que la vie te soit douce... Bises

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    1. La vie m'a été douce, c'est pour cela que je peux pardonner d'ailleurs...

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    1. J'espère juste avoir aidé les gens à comprendre que tant qu'on n'a pas vécu quelque chose de ce genre, on ne peut pas hurler avec les loups.... Pensez que quelqu'un qui a vécu ça, ne peut pas aller bien, ou le plaindre ce n'est pas l'aider. Je sais qu'en vivant, en pardonnant, en étant heureuse, c'est moi qui ai le dessus, qui suis maître de ma vie.

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  6. Je ne pense pas avoir le courage de pardonner des choses qui sont pourtant moins graves que ce qui t'es arrivée. Je suis admirative. Malgrès cette blessure tu avances et c'est vraiment le plus important . Bravo <3

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    1. Il faut que tu lises le billet suivant, tu comprendras d'autant mieux...

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  7. Ton texte m'émeut. Mais j'ai une question un peu... personnelle. Tu n'es pas obligée d'y répondre.
    Moi aussi, j'ai pardonné. Mais depuis que je suis maman, ça me revient en pleine tronche régulièrement. Est-ce que ça t'a fait ça aussi? Est-ce qu'est parce que je suis maman d'une fille?

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    1. Non, je vais te répondre. J'essais déjà de ne pas mélanger les deux mais je t'avoue que je me suis posé la question si ça lui arrivait à elle.... Je ne sais pas si je pourrais pardonner là. Mais je me dis que ça c'est une autre histoire hypothétique et j'essais de ne pas y penser. Mais j'ai très peur du jour où elle aura 8 ans parce que je pense que forcément je ferais le lien...

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    2. Merci de ta réponse.

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  8. :-( :'( ��
    C'est quelque chose que j'ai toujours redouté !
    ♡♥♡♥

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