Et on se rencontre???

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lundi 24 mars 2014

Et leur dire....

Dans mon boulot, il y a les bons moments. Les moments où tu vois qu'ils progressent, où tu ris, où tu t'étonnes de leur finesse, de leur intelligence.

Et puis il y a ces moments, où il faut dire des choses que tu ne penses pas. Parce que c'est un choix d'équipe, un choix politique, un choix de direction.

Voilà ce qui m'arrive en ce moment. l'établissement a changé d'orientation. Je n'ai toujours pas compris pourquoi, sans doute les valeurs de grand chef qui prend ses vérités pour des réalités mais il faut travailler pour que nos chers handicapés soient comme tout le monde.

On s'est battu. On a expliqué que non, qu'ils ne pourraient pas être comme tout le monde parce qu'ils n'étaient pas en mesure de travailler, que s'ils devaient être comme tout le monde, alors la première des choses ce serait de les payer et ne pas donner l'argent à une société payer à récolter le fruit de leur travail. Mais non. On vous répond que c'est la valeur travail qui prime, que tout le monde désire un travail, que ceci, que cela...

Alors on a mis en exergue que certains ne suivraient pas, qu'ils faudrait les "reclasser". On nous a promis que non, qu'on organiserait de l'espace et du temps pour eux. 

Et puis....

Et puis, arrive le temps où on a mis des choses en place et déjà pour certains c'est l'exclusion. Nous n'avons plus le temps, plus l'espace pour les plus en difficulté qui aurait besoin d'une prise en charge individuelle ou plus particulière. Alors la direction a promis aux parents qu'on aménagerait du temps pour eux, , alors que nous, nous savions que ce ne serait pas possible.

Alors, il faut maintenant que nous, éducateurs, on rencontre les parents pour leur dire, que le mieux pour leur enfant c'est ailleurs: "merci madame, merci monsieur, mais là, même si on vous a dit le contraire, bah là c'est plus possible...".


 J'ai honte de ce que je fais. J'ai honte d'exclure ceux qui aurait le plus besoin de nous. De le faire de façon si urgente, si maladroite, et puis ne plus savoir quoi répondre. On est là pour aider à l'insertion des personnes handicapées dans le monde social et quoi??? Que fait-on??? On met dehors ceux qui auraient le plus besoin de nous...


3 jours que je ne dors pas, et que je suis mal, de tout ça. Comment en suis-je arrivée là? Ne plus me révolter, recracher le discours tout fait de la direction qui veut une belle vitrine "regardez on est en foyer de vie, et ils bossent ils font des beaux plats et servent comme de vrais serveurs". Pas difficile quand on prend des gens qui de toute façon un jour finiront en ESAT.

Le challenge ce serait surtout de faire quelque chose avec Lise qui cri tout le temps et ne sait pas tenir son crayon, avec Aline qui vieillit et ne se concentre plus, avec Claire qui ne pense qu'à fuir les ateliers, avec Adèle qui dort toute la journée sur le canapé.... Alors oui, c'est sur, c'est mieux de les virer du paysage, ça roule mieux, ça fonctionne mieux, c'est plus rapide, ça correspond au projet de grand manitou... Mais c'est comme les SDF qu'on exclue des centres villes pendant les périodes estivales... ça ne règle pas le problème... Bien au contraire....

Je suis en colère. J'ai honte de ce que mon travail est en train de devenir. Du nettoyage par le dedans. Ceux qui ne suivent pas, on les emmène dans des MAS où la solution c'est la piquouze, la sur-médicalisation. On ferme bien la porte pour ne pas qu'on voit ce qu'il se passe. Et si ça ne vous convient pas messieurs mesdames, et bien vous n'avez qu'à la garder chez vous votre fille!!!! On une liste d'attente longue comme le bras... La porte c'est par là....

Le pire? Le pire c'est que demain j'y retourne. Et que je devrais encore faire semblant. Le temps de trouver une solution pour sortir de là. Je n'ai même plus le courage de me battre pour eux. Oui. j'ai tellement honte.

En voilà un de gros, gros pavé ma belle mère cane que j'ai avant tout sur le cœur...



7 commentaires:

  1. Ca a l'air d'être une période difficile. Le sentiment d'impuissance de honte et de culpabilité doit être dur à porter. Malheureusement toute seule, il est difficile de changer les choses. Ne serait ce pas possible de faire une action en groupe ? Attirer l'attention des médias sur ces tragédies ordinaires. Parce que ce qu'ils leurs arrivent est tout bonnement insupportable. Courage en tout cas...

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  2. C'est horrible de devoir travailler en désaccord avec ses convictions.
    Avant, je faisais du "service" à la personne mais on avait des horaires à respecter. Une fois qu'on avait pointé, on devais partir quoi qu'il arrive même si la personne chez qui on travaillait avait besoin d'une aide, on devait leur dire: "désolé c'est mon heure"dixit la direction. Tu parles d'un service!
    Courage.
    Bises
    Ciloucr

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  3. On a essayé. Ça n'intéresse personne. Aujourd'hui, si tu veux pouvoir être entendu il faut soit faire du sensationnel et montrer l'horreur soit être célèbre et avoir accès aux médias... La violence ordinaire, l'exclusion quotidienne car n'intéresse personne...

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  4. Pas étonné de lire tout ça... J'ai connu ça quand j'ai changé de job je l'ai fais parce que je ne supportais plus le pseudo pouvoir des élus qui comptent en dossier et oublient l'humain! Ton combat ne devrait pas être que TON combat...tu vas t'epuiser, et pour moi cela concerne toute ta profession, votre éthique ! A vrai dire je n'ai jamais compris pourquoi ta structure fonctionnait ainsi! Mais bon! Je ne suis pas une experte en situation de handicap ! Courage, mais ne t'epuise pas!

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  5. J'ai enfin (seulement) pris le temps de te lire.

    Que te dire ? A part que je trouve insupportable ce qu'est en train de devenir ton foyer. Ce qu'on fait s'appelle purement et simplement de l'esclavage.

    C'est tout bonnement révoltant.

    Après, je comprends que tu en aies marre de te battre contre des moulins à vent. Je comprends ton ras-le-bol et je comprends mieux ton actuelle baisse de forme !

    Je te fais de grosses bises et t'envoies plein de courage ...

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  6. les métiers du social et du médical deviennent une catastrophe je trouve, on pense gestion partout avant de penser patients ! courage

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  7. je rejoins ton constat pour les FAS qui accueillent au fur et à mesure des résidents qui il fut un temps relevaient des ESAT, du coup les résidents qui auraient toute leur place en FAS se retrouvent à végéter en MAS. Et tout l'accompagnement qu'on a pu leur proposer en IMP pour qu'ils soient épanouis, se perd en quelques années en MAS. C'est déprimant, l'accompagnement du handicap aujourd'hui.

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Pleins de petit mots Jito!